Chaalis est un domaine de 1 000 hectares où 1 000 ans d’histoire sont à lire à travers la fresque Renaissance de Primatice, l’abbaye cistercienne fondée en 1137 par Louis VI le Gros, le musée Jacquemart-André, l’espace Jean-Jacques Rousseau, l’atelier des Parfums et bien sûr… le jardin. Mille rosiers, autant de plantes vivaces… une fois passé les murs crénelés un peu austères, un paradis de senteurs délicates et de couleurs pastel s’offrent aux sens. La Roseraie, aussi douce à l’œil qu’au nez, est un ravissement. 60 000 visiteurs, dont 20 000 en juin pendant les Journées de la rose, viennent chaque année… Comme un hommage à celle qui repose dans la chapelle Sainte-Marie : Nélie Jacquemart-André, la plus belle rose de Chaalis.
Nélie Jacquemart-André a grandi à Chaalis. Fille d’un agent électoral de Monsieur de Vatry alors propriétaire du domaine. Elle reçoit, grâce à sa protectrice, Rose Paméla de Vatry, des enseignements artistiques et devient, à 22 ans seulement, une portraitiste reconnue. Régulièrement en visite chez Madame de Vatry, à Chaalis ou à Paris, Nélie fréquente le tout Paris. Outre son talent de peintre, la jeune femme est réputée pour avoir un caractère bien trempé, être distraite, rêveuse, avec un côté un tantinet « trop artiste ». En 1881, elle épouse Edouard André, collectionneur d’art.
Son mari est l’héritier direct d’une dynastie de notaires, marchands, négociants et enfin de banquiers. Né en 1833, Edouard grandit au sein d’une famille où art et culture sont une philosophie. D’abord destiné à une carrière militaire, il s’essaie à la politique, mais ni l’une ni l’autre ne lui étant particulièrement favorable, Edouard André se tourne vers les arts en 1863. Dans un premier temps, il acquiert des œuvres d’artistes contemporains à la mode comme Delacroix, Descamps ou Ingres avant de se consacrer ensuite à l’art du XVIIIe.
Dès son mariage, Nélie le seconde avec passion. Là où Edouard est fin et méthodique, Nélie est audacieuse et spontanée, se fiant plus à son œil d’artiste et à ses connaissances qu’à une volonté d’investissement ou de sauvegarde. Elle fait, par exemple, l’acquisition de panneaux, qui plus tard, seront attribués à Giotto. Dès les années 1890, elle est reconnue pour être une « habituée » des antiquaires français et italiens qu’elle rencontre régulièrement et à qui elle recommande « de lui présenter en exclusivité et en priorité tout ce qu’il y a de mieux ».
Veuve en 1894, à la tête de la fortune incommensurable de son mari, elle continue ses voyages à travers la France, l’Italie, l’Espagne, en Inde et en Birmanie. Ceylan, Madras, Calcutta, Rangoun, Darjeelig, Bénarès (…), Peshawar… et achète des objets à chaque escale…
Une artiste à la réputation avant-gardiste
Alors qu’elle se trouve en Orient, en 1902, elle apprend que le domaine de Chaalis est à ventre. Nélie l’achète et y fait disposer une partie de ses exceptionnelles œuvres d’art, l’autre partie étant présentée dans son hôtel parisien du boulevard Haussmann (qui deviendra par la suite l’autre musée Jacquemart-André).
Fidèle à sa réputation avant-gardiste – et probablement un rien provocatrice – dès son arrivée à Chaalis, elle fait installer une centrale hydroélectrique pour faire fonctionner les toutes nouvelles 327 lampes du château et l’ascenseur flambant neuf. Résolument moderne, elle achète également une automobile et dès 1903, le téléphone donne à Chaalis à la première ligne téléphonique d’Ermenonville.
Et si dans l’hôtel particulier parisien, Nélie a mis en scène une salle lapidaire, une salle d’art florentin et une de peintures vénitiennes, l’abbatiale du XVIIIe siècle de Chaalis, aujourd’hui transformée en
château, abrite une collection d’œuvres d’art de toutes les provenances et de toutes les époques. A la manière d’un cabinet de curiosités, sont réunis là meubles, tableaux, sculptures, tapisseries et objets d’art… Parmi ces trésors, une série de bustes de l’Antiquité au XVIIIe siècle dans la grande galerie de rez-de-chaussée et une enfilade de peintures des écoles italienne, française, néerlandaise à l’étage… A la mort de Nélie, en 1912, six cartons d’objets d’art seront encore retrouvés non déballés, portant à 4 000 le nombre de trésors répertoriés à Chaalis.
Edouard André souhaitait que son hôtel particulier soit transformé en musée et Nélie respectera sa volonté ; elle le lègue à l’Institut de France, trois immeubles parisiens, un capital de cinq millions de francs or, ainsi que tous ses biens dont le domaine et les collections de Chaalis. Directive et prévoyante, Nélie Jacquemart-André, laisse ainsi à la postérité son destin hors du commun, sa curiosité et sa passion de l’art. Oui, un rien « trop artiste »… sans aucun doute.
Tél. 03 44 54 04 02 / www.chaalis.fr