Les graphistes parlent aux graphistes

Le travail de Fanette Mellier.

Le musée des Arts Décoratifs de Paris a ouvert un espace d’exposition à des graphistes français contemporains. Christophe Jacquet, Mathias Schweizer, Fanette Mellier, Vier 5, Halmo, Akatre, Pierre Vanni et Jocelyn Cottencin exposent jusqu’au 9 novembre 2014 leurs travaux, issus de commandes ou de libre inspiration. L’enjeu de l’exposition est la question du statut de la création graphique. Le graphisme peut-il faire œuvre ? Du graphiste à l’artiste, n’y a-t-il qu’un pas ?

La scénographie de l’exposition décontenance dès la première salle. De grandes affiches, installées, recto-verso au centre de la pièce et formant un triangle, prolongé par d’autres affiches, accrochées dos à dos elles aussi. Si ce choix explicite le nom de l’exposition, il offre peu de recul et ne permet que moyennement de comprendre les motifs noirs et blancs et abstraits qui y figurent.

A l’inverse, dans la grande salle, les murs accueillent dix-neuf à-plats noirs avec blancs tournants au format de 144 x 388, à l’instar des sucettes Decaux. Christophe Jacquet a voulu ironiquement évoquer la censure, les images interdites tout un faisant un clin d’œil aux couleurs et au noir qui les contient toutes. Salle suivante, Fanette Mellier a choisi d’exposer des travaux de commandes, dans deux grandes vitrines conçues sur un modèle de flipper. Le print domine son travail et le talent de la graphiste est mis en valeur de même que la variété de ses travaux, allant de la simple carte d’invitation au catalogue d’exposition.

Plus loin, une salle est réservée à des images. Des images de quoi ? Il faudrait que la bande sonore d’environ trente seconde qui passe en boucle à un volume suffisamment élevé pour faire fuir le spectateur, se taise quelques minutes pour que l’œil puisse se concentrer.

Salle suivante, des affiches d’événements culturels ou d’exposition. Les panneaux, installés en croix, proposent des juxtapositions originales tout en permettant d’appréhender les images dans leur ensemble. Offrant à la fois, les créations premières et une re-création temporaire. A retenir également, une vidéo où des jeunes gens écrivent des mots avec leurs corps, mise en pendant d’une autre bande où une troupe de danseurs répète des tableaux.

L’exposition montre la création graphique sous ses formes imprimés et animées, l’art y est approché avec quelques projets expérimentaux, pour autant, le graphisme, dont la vocation première est de mettre en forme un message, perd de son sens intrinsèque et de sa valeur picturale dès lors qu’il s’en éloigne.

Le graphisme a-t-il sa place dans un musée ?

Une étudiante en école d’art en est d’ailleurs perplexe à la sortie de l’exposition : « Nombre de travaux que je vois ici s’approchent en qualité de nos projets d’études… » Alors ? Soit nos étudiants sont dignes d’être exposés aux Arts Décoratifs, soit les huit graphistes, aussi bons soient-ils, ne sont, finalement, « que » des graphistes. Chacun se fera son idée.

Et si la seule place du graphisme était à l’extérieur, au contact du public, et mis en valeur dans l’espace urbain et sociétal ? Confiner alors le graphisme dans un musée l’étoufferait, lui faisant perdre à la fois son sens et son utilité. Pourtant parfois bien salutaire.

Recto-verso : une exposition pour se familiariser avec le travail du graphiste.
Recto-verso : une exposition pour se familiariser avec le travail du graphiste.
décalaj

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