Le navire contemporain de Franck Gehry

La Fondation Louis-Vuiton
Dominique Julien
La Fondation Louis-Vuiton.
La Défense visible depuis les terrasses de la Fondation Louis-Vuitton.
La Défense visible depuis les terrasses de la Fondation Louis-Vuitton.

Son plaisir a commencé dès qu’il a descendu la rue. Il savait que des navettes emmènent les visiteurs de l’Arc de Triomphe à la Fondation mais Édouard a préféré découvrir l’œuvre petit à petit. De loin d’abord. La deviner à travers les arbres, se laisser guider par les panneaux indicateurs… La voir se reflèter dans la cascade de son parvis…

La voir voir briller de mille feux sous le soleil d’automne. Fébrile comme un amoureux à son premier rendez-vous, impatient, il est descendu tout à l’heure à la gare Saint-Lazare ;  il a quitté Rouen ce matin pour cette rencontre. Seul pour voir sa belle. Cette année, il passe son master d’archtecture. Pour lui, la Fondation Louis-Vuitton incarne l’ambition. À elle seule. Il sait que réaliser, ne serait-ce qu’un seul, endroit si majestueux dans sa carrière le comblerait de bonheur et d’honneur. Concevoir

La Fondation est juste à côté du Jardin d'Acclimation.
La Fondation est juste à côté du Jardin d’Acclimation.

un si magnifique bâtiment où la zėnitude se ressent tellement que le simpe fait de se promener sur ses terrasses donne l’impression d’être chez soi. Un lieu évident. Dans cet écrin de verdure qu’est le Bois de Boulogne, jouxtant le Jardin d’Acclimatation, le visiteur est ici chez lui. Édouard comme les autres ne fait pas exception.

Amoureux de l’art, comment avoir envie d’être ailleurs ? Des salles aux hauts plafonds, des auditoriums, des couloirs qui sont des salles, des salles qui sont des couloirs, le visiteur se perd avec bonheur parmi les étages. Mi-immeuble, mi-navire, des terrasses, la vue porte sur un océan d’arborescence d’un côté, et de l’autre, au loin, se dessine le quartier de la Défense, et entre deux éléments de l’architecture… discrète… laTour Eiffel semble faire signe à sa jeune voisine, comme un clin d’oeil à un siècle d’écart.
Depuis ce bâtiment, c’est tout Paris qui s’embrasse en un regard. Le Paris littéraire avec le Jardin d’Acclimatation et ses fantômes légendaires, le Paris économique avec ses tours futuristes qui évoquent la Grosse Pomme, le Paris historique qui s’étale à perte de vue, et le Paris moderne de 1900 avec sa Dame de fer.

Édouard a étudié le travail de son mentor

Il sait que l’auteur, l’artiste-architecte qui a pensé la Fondation, puis conçu, Frank Gehry, a un lien particulier avec la capitale française. Le Canadien y a vécu enfant, a lu les classiques de la littérature française. Et bien sûr, il était fasciné par la Tour Eiffel.
Son navire, la Fondation Louis-Vuitton, qui lui a été commandée par Bernard Arnaud en 2006, est incontestablement un bijou d’architecture. Édouard se sent tellement fier de partager cette vision du beau avec son « maître ». Tout ce beau visible. Les poutres de bois, les boulons, les panneaux de verre, les revêtements muraux observables de l’intérieur comme de l’extérieur… Le bâtiment semble flotter…
D’ailleurs, le « bâtiment » emprunte à la marine son vocabulaire : il y a les voiles de verre et d’acier dont les installations ont été pensées en prévision de l’évolution du climat des prochaines années et des vents dominants. Il y a les icebergs qui ne sont autre que les salles… Comme sur un paquebot, le visiteur peut se promener en boucle à l’infini. Édouard sait que c’est là toute la vision architecturale de Franck Gehry : que l’immeuble vive comme une entité à part entière. Comme s’il était matière vivante, chaque projet a une âme. L’architecte aime que les visiteurs s’y perdent. Pour permettre de mieux s’y retrouver ? Pour favoriser la déambulation personnelle  plutôt qu’une consommation de l’art ? Pour favoriser la contemplation médidative ?

Une cathédrale du XXe siècle ?

Quand Édouard est monté dans l’ascenseur de verre et qu’il s’est senti propulsé au-dessus du bois de Boulogne,  il s’est senti au-dessus de tout. De tout débat idéologique sur le bien-fondé de la Fondation, au-dessus de toutes allusions à un mécénat opportuniste, au-dessus du marché de l’art, des considérations  économiques et boursières. Édouard n’a pas pris le temps de s’attarder sur les œuvres en présence lors de cette première visite, il a écouté de loin les chants grégoriens qui donnaient ce jour-là une dimension spirituelle inattendue… Faisant un lien inattendu avec sa ville natale, sa ville aux cents clochers, du haut de son Everest personnel, Édouard était juste heureux. Près du ciel et heureux.

Les "icebergs" de la Fondation Louis-Vuitton
Les « icebergs » sont les salles d’exposition.
La structure de la Fondation Louis-Vuitton est faite de bois comme la coque d'un navire.
La structure de la Fondation Louis-Vuitton est faite de bois comme la coque d’un navire.
Les voiles de la Fondation Louis-Vuitton sont faites pour s'adapter aux changements climatiques des prochaines décénies.
Les voiles de la Fondation Louis-Vuitton sont faites pour s’adapter aux changements climatiques des prochaines décénies.
décalaj

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